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3. L’expérience client,
au cœur des préoccupations sanitaires
L'état d'urgence sanitaire et les différentes mesures prises par les gouvernements internationaux ont contraint les boutiques physiques à fermer leurs portes, elles qui représentaient dès lors près de 90% des transactions pour l'industrie du luxe. Bien que la crise ait généré un glissement de la consommation vers le e-commerce, il est important de rappeler que le point de vente reste un lieu privilégié pour nouer des relations humaines, interagir, transmettre des valeurs, des émotions ou encore raconter l'histoire d’un produit.
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Ainsi, la transition du luxe ostentatoire vers l’expérientiel a généré une nouvelle tendance : « nous passons actuellement d’une logique uniquement centrée sur les marques de luxe et sur le produit, à une logique qui valorise le consommateur, lui fait vivre des expériences inoubliables et des émotions fortes. Une belle expérience, positive avec la marque, a le pouvoir de fidéliser et de faire revenir le client. Elle permet d’établir un lien indélébile avec la marque » explique Wided Batat, CB News.
Lorsque la qualité et l’excellence des produits ne suffisent plus dans le contexte actuel, l’expérience en boutique vécue lors du parcours d’achat est devenue un paramètre omniprésent et indissociable du luxe. On parle dès lors du concept de «luxpérience» client, qui n’est qu’autre que la contraction du mot «luxe» et «expérience» et englobe les 5 composantes de la roue luxpérientielle : le client et ses valeurs, le produit ou la marque de luxe, l’environnement, le personnel ainsi que l’éducation à la consommation du luxe. Ces différents facteurs réunis, la marque de luxe permet alors répondre aux besoins fonctionnelles, émotionnelles et relationnels du client.
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Durant la pandémie du Covid-19, les habitudes de vie, de travail et de dépenses ont été radicalement modifiées. L'accès des points de vente a été particulièrement restreint, avec une liste exhaustive des commerces essentiels autorisés à ouvrir. Si l'annonce du déconfinement a suscité un soulagement certain, le virus continue sa propagation à travers le monde. Un quotidien anxiogène et de nouveaux réflexes rythment à présent nos modes de vies, permettant de respecter ou de faire respecter les mesures sanitaires instaurées par le gouvernement sous peine de sanctions.
Les retailers ont alors eu pour principale mission de rendre leurs boutiques physiques accueillantes et sûres afin que les consommateurs puissent s'y rendre à nouveau. Avec une sensibilité accrue aux prix, un engagement numérique en plein essor et un dispositif de vigilance sanitaire renforcé, les Maisons ont dû redoubler d'effort pour rétablir la sécurité relationnelle, l'attractivité des magasins et redéfinir l’expérience client.
Pour l'heure, depuis mai 2020 de nombreux dispositifs sont mis en place au sein des grandes boutiques de luxe (et des commerces de plus petites tailles), afin d'améliorer l'hygiène et de renforcer la sécurité des consommateurs et du personnel : rappel des gestes barrières à l'entrée, limitation du nombre de clients en boutique, files d'attente, vitres en plexiglas pour l'encaissement, gants et masques de protection obligatoires, parcours client pour la circulation en magasin, marqueurs au sol, paiement sans contact, réservoirs de gel désinfectant, cabines d'essayages et manipulation des articles limités, etc. Autant d'initiatives qui peuvent compromettre le cérémonial de l’expérience en magasin au détriment d'une nervosité inhérente chez le consommateur.
Esteban Munoz, témoigne, sur sa chaîne youtube suivie par 55,7K personnes, de sa désastreuse expérience en boutique post-confinement
D'après nos enquêtes, près de 73% des individus souhaitent être informés des changements opérationnels des marques, en boutique par exemple, et de leurs manières d’avoir accès à ces produits. Force est de constater que de grandes opportunités et chantiers sont à entreprendre rapidement en apportant des services rassurants, qui invitent au bien-être et en s'engageant aux côtés des clients pour préserver la dimension de plaisir et d’exception du luxe. Ces pratiques plus responsables, doublées de la résilience des clients, permettront le retour à des modes de fonctionnement mieux contrôlés.
Le rôle du vendeur est ici capital pour réintroduire l’humain dans un processus très clinique. Il doit être formé à de nouvelles pratiques pour rassurer, voire même «déculpabiliser» le consommateur. Afin d’établir un premier contact avec le vendeur, certaines enseignes ont développé des applications pour faciliter les échanges, fournir des conseils à distance et rassurer le client avec un service de shopping privatisé dans le point de vente.
La technologie et le virtuel s'accordent une fois de plus, pour construire l'avenir de la vente physique. Le «phygital», sur le point de basculer d’une tendance anecdotique vers une utilisation ancrée, permettrait d'allier l’aspect indissociable du point de vente au luxe à l’expérience personnalisée du digital. Cet outil idoine force à repenser la vente en boutique pour recréer le contact social et réenchanter les lieux de vente.
Bien qu’amorcé discrètement en 2018, le LVMH Retail Lab offre un avant-goût du futur. Ce laboratoire teste les nouvelles technologies capables de repenser l’expérience client en magasin en phase avec les nouveaux comportements des consommateurs. Entre miroirs intelligents, vitrines virtuelles, formations sur smartphone, c’est tout un éventail de propositions qui sont sélectionnées au septième étage du siège du groupe français.
Enfin, les capacités d’immersion au sein d’un environnement révèlent le haut potentiel de la réalité augmentée. Au-delà de sa singularité créative, les Maisons pourraient prochainement être accompagnées par ce partenaire-clé pour enrichir l’expérience «in-store». Point de départ ou continuité de de l’expérience de marque avec client, cet outil devient un espace de réconciliation entre le monde physique et le digital. L’entreprise italienne Gucci l’a très bien compris avec sa nouvelle technologie «try on» sur Snapchat qui nous donne l’opportunité de se voir chaussé(e) instantanément d’une paire de baskets en visant nos pieds avec la caméra d’un smartphone. Cette initiative, promesse de nouvelles expériences d’achat, confère à la marque une vraie valeur ajoutée.
Et si de nouveaux projets restent actuellement en phase de lancement, l’enjeu des années à venir est de concevoir une expérience client «seamless» afin que le client puisse passer aisément d’un point de contact à un autre avec la marque sans créer de rupture. Une adaptation qui dépasse la notion d’omnicanalité, car la crise n’a pas seulement modifié les habitudes d’achats des consommateurs. C’est également tout leur rapport au commerce qui change (demande de conseils, nouveaux services, etc.) et de nouvelles attentes émergent alors.