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3. Vers un retour aux fondamentaux du luxe

Le 16 mars 2020, le président de la République, Emmanuel Macron réalise une intervention spéciale à la télévision devant la France entière et annonce un confinement total du territoire français. Une interdiction de se déplacer en France qui prendra effet dès le lendemain dans le but d'endiguer la propagation du coronavirus,  qui a bouleversé le monde entier. Certains déplacements, dits «de première nécessité» sont encore autorisés. Mais un seul mot d’ordre résonne auprès de la population, c’est la « distanciation sociale » que les experts et médecins recommandent au gouvernement d’imposer aux citoyens pour préserver la santé de chacun, protéger les autres et enrayer la propagation du virus pendant la pandémie du Covid-19.

La « distanciation sociale » est directement traduite de l’anglais « social distancing ». C’est une expression, dans sa version anglaise évoquée par l’OMS en 2006 dans un rapport intitulé «working together for health» et qui s’impose finalement pendant la crise sanitaire sans être véritablement jamais remise en question. 

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Si le 14 mars 2020, le Premier ministre français, lors d’une réunion au ministère de la Santé affirmait que «la meilleure façon de stopper la propagation de l’épidémie est la distanciation spatiale», c’est finalement la traduction littérale de «distanciation sociale» qui est adoptée. Aujourd’hui, ce terme est utilisé pour définir la distance à adopter vis-à-vis des autres dans le cadre de la crise sanitaire. Or, rien ne nous empêche de conserver et d’entretenir les liens sociaux que nous possédons avec les gens avec lesquels nous interagissons au quotidien. Le lien social peut lui être entretenu tout en étant physiquement distant.

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D’ailleurs, le terme de distanciation ne définissait pas, lui non plus, à l’origine un écart physique. La distanciation est un terme qui est apparu au théâtre. Si l’on en croit la définition du dictionnaire de l’Académie française, c’est une «technique théâtrale prônée par le dramaturge Bertolt Brecht, où l’acteur s’efforce de jouer comme à distance de son personnage, afin que le spectateur donne priorité au message social ou politique que l’auteur a voulu délivrer».

Entre « distanciation physique » et « distanciation sociale », la crise sanitaire permet au luxe de réaffirmer la distance, recréer l’écart qui le caractérise. Le luxe est par définition, vecteur de distance. Par essence et par choix, le consommateur du luxe affirme sa distance aux autres, à cette forme de normalité qu’entretiennent les consommateurs aux achats plus « classiques ». On retrouve dans l’interprétation littérale de la « distanciation sociale », toutes les caractéristiques sociales du luxe. Un effet compensatoire pour l'ego tel que décrit dans l’ouvrage «Luxifer». Le luxe permet de se distancer des autres, mais aussi de la crise, ou de la maladie. C’est un moyen d’oublier la réalité, le quotidien ou l’angoisse et de plonger dans la légèreté du rêve et du plaisir. Car oui, la consommation de luxe est avant tout, une consommation purement hédoniste. Alors il semble évident qu'à bien des égards, la crise du Covid-19 soit une forme de crise existentielle, pour le secteur du luxe. 

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Pour sûr, l’une des conséquences directes de la consommation de luxe dans le contexte actuel est une augmentation conséquente des inégalités sociales. Et pour cause, la crise du Covid-19 pousse non seulement les individus à se protéger les uns des autres, les uns les autres mais également de réaffirmer leur appartenance à un milieu privilégié. 

 

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Et quel meilleur moyen de se distancer des autres que de s’acheter une île paradisiaque ou de partir s’isoler dans un hôtel de luxe au milieu d’un parc naturel. Alors qu’une personne de profil moyen se demande à quoi ressemblera ses vacances, s’il pourra même se permettre d’en avoir, les consommateur de luxe, se tournent vers l’achat de biens de luxe allant de la simple résidence secondaire aux  espaces extérieurs luxuriants à l’achat d’une l’île privée. 

Autre cas de figure : le déconfinement annoncé en mai 2020, certains individus affichent fièrement leurs masques griffés aux yeux de tous. Le masque «grand public» ? Très peu pour eux ! Ils affirment de manière décomplexée, qu’il leur serait d'ailleurs impossible de reprendre des habitudes de vie «classique» sans être protégés par leurs marques préférées. Par ailleurs, il leur serait plus naturellement « essentiel » d’acheter des masques réutilisables et fabriqués par l’artisanat de luxe français que de se protéger grâce aux masques jetables et distribués par l’État importés de Chine qui constituent déjà un fléau écologique. Dior, Saint Laurent ou Louis Vuitton sont autant de marques qui ont participé à l’effort commun de solidarité en fabriquant gratuitement blouses, gels et masques mais qui développent aujourd’hui aussi leurs propres déclinaisons de masques. Une pratique qui semble légitime et sans gêne de la part des marques. D'autant plus, sachant que 60% des individus sont sensibles à la fabrication de produits adaptés aux difficultés rencontrées face à la crise, tels que des masques, selon notre étude menée en ligne. L'historien de la mode Olivier Saillard estime que le sujet est sensible : «C'est un objet clinique et personne n'a envie de rêver avec cela. Ce serait déplacé et d'une grande vulgarité d'avoir un logo sur un masque et d'en faire un profit».

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« Avec la distanciation sociale, le luxe va pouvoir réaffirmer l’écart qui le fonde. » avance Nicolas Chemla. Selon notre interprétation, ces comportements renforcent les inégalités sociales, déjà existantes qui s’ajoutent maintenant au contexte sanitaire actuel. On pourrait dès lors parler d’inégalités sociales et maintenant sanitaires, exacerbées par la crise. Mais il ne faut pas oublier que le marché du luxe est surtout l’un des plus varié. Adepte du logo ou pas, de l’ostentatoire ou du discret, peu importe. Il est essentiel que le luxe soit à l’image du monde, c’est-à-dire hétéroclite.

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