top of page

2. Quand la quête de sens s’oppose au consumérisme

"C'est un moment que beaucoup de gens vont pouvoir utiliser pour réfléchir à ce qui compte vraiment pour eux, à ce qui est essentiel à leurs yeux, aujourd'hui". Voici le constat du sociologue Rémy Oudghiri, invité dans “Grand bien vous fasse” sur France Inter pour parler de l’avenir de la consommation française durant la quarantaine. Une chose est sûre, dans cette période d’instabilité, les individus se tournent vers une consommation qui a du sens pour eux. A l’heure du développement durable, le consommateur en quête de sens peut compter sur le luxe pour assurer sa volonté de changement, son retour à l’essentiel.

Le Covid-19 a accéléré de nombreuses tendances de consommation qui, en temps normal, auraient mis plusieurs années à se développer pleinement. Certaines tendances émergent pour rester, d'autres pourraient être davantage temporaires. Le besoin d’un monde plus sûr et donc plus responsable était largement anticipé comme une conséquence de la crise du Covid-19. La quête de sens est au cœur de ce que l’on appelle la durabilité à 360°. La durabilité à 360° intègre non seulement la notion de développement durable, mais aussi toutes les pratiques éthiques, sociales et responsables, toutes ces croyances, actions et initiatives qui contribuent à définir le but de chaque marque, mettant l'accent sur leur responsabilité. Cette tendance gagne davantage du terrain depuis que la crise a révélé un besoin profond chez le client de consommer mieux, mais aussi de trouver un sens à ses achats. C’est un concept qui est apparu grâce à l’évolution des mentalités à propos du développement durable. Dans un futur proche, on s’attend à ce que ce concept influe fortement sur le comportement d’achat dans le secteur du luxe. Comme l’avance Filippo Bianchi, "Le consommateur sera toujours plus sélectif privilégiant la durabilité à 360 degrés. Non seulement les marques devront afficher des processus respectueux de l’environnement, mais adopter aussi une démarche responsable dans la sphère sociale et de la diversité".

Non seulement les consommateurs de demain  récompenseront les entreprises agissant pour l'environnement mais à l'inverse, ils tourneront le dos aux entreprises négligeant leur impact écologique et social.

L’humanité sur le fil du rasoir, mise en danger par le virus du Covid-19, une approche plus éthique du luxe semble certainement faire partie d’une stratégie de relance économique, permettant, espérons-le, le rebond tant attendu du secteur. La durabilité et le luxe flirtent depuis des années maintenant. Au travers du le luxe, il y a plusieurs façons d’introduire le story telling que les marques veulent raconter, les valeurs qu’elles souhaitent représenter : fabriquer des produits qui durent dans le temps, sauver un artisanat menacé, favoriser l'égalité des sexes. Les marques qui ont développé une stratégie claire de développement durable susciteront davantage d'intérêt auprès du consommateur lorsque la crise prendra fin. La Maison Gucci a elle, bien compris cette nécessité. Elle a lancé le 5 juin 2020, Gucci Equilibrium, un nouveau site témoignant de son implication aux niveaux humain et environnemental. 

Capture d’écran 2020-08-02 à 20.26.09.

C'est la preuve d’un plan décennal visant à promouvoir leur stratégie globale de développement durable

Et si bon nombre de marques sont déjà engagées avec une politique de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) bien établie, elles ne vont pas au bout de leur démarche. En effet, elles n’intègrent pas leurs initiatives à leur communication in-store, ni à l’expérience client par exemple. Et ce malgré le poid considérable que représente l’achat en boutique pour les marques de luxe. 

Accélérer le développement durable s’avère être une nécessité pour l’industrie du luxe. Dans cinq ans, 80 % de la croissance du luxe proviendra de la Génération Z et des Millennials, une population très sensible en terme d’écologie. C’est pourquoi les marques ne doivent pas négliger les jeunes d’aujourd’hui qui deviendront les consommateurs de demain. De plus selon une étude menée par World Luxury Tracking d’Ipsos 94% des Millennials chinois consommateurs de Luxe soulignent l’importance pour une Maison de s’engager sur les plans éthiques et environnementaux. Cette même catégorie de clients est aussi plus renseignée, plus connectée, mais aussi plus sceptique. Ce qui signifie qu’elle se renseignera davantage sur la nature de ses achats. 

Si l’information qu’ils recherchent est directement mise à leur disposition en boutique par exemple, cette nouvelle catégorie de consommateurs ne risque pas de collecter des informations laissées au hasard (mauvais retour d’expérience client, avis défavorables) poussant ainsi à revoir leurs intentions d’achat.

Capture d’écran 2020-08-02 à 20.11.09.

« LESS IS MORE. » Plus que jamais, nous rentrons dans une première phase de transformation de l’industrie au travers de l’accélération des démarches relatives au développement durable, déjà mises en œuvre avant la crise.

Pour mieux comprendre en quoi le luxe de demain s'apparente à une quête de sens, à un retour à l’essentiel, il est important de définir la notion d’essentialité qui s’inscrit dans le contexte actuel : celui de l’industrie du luxe, impactée par la plus grande crise sanitaire que le monde ait eu à traverser.

L’essentiel est par définition : essentiel à quelque chose/quelqu’un, pour qui est absolument nécessaire. Qui est d'une grande importance ; principal, capital. Alors voici en quoi la consommation de luxe, dans l’esprit des consommateurs, est un retour à l’essentiel.

Lorsque le mot « essentiel » a fait surface durant la quarantaine inhérente à la crise du Covid-19, l’industrie du luxe en a été la première victime. La France a décidé de fermer les commerces jugés non-essentiel à la vie de la nation. Les boutiques de luxe n’y échappent pas et ferment leurs portes. Mais n’est-ce pas un peu utopique de juger le caractère non-essentiels d’un secteur générant plusieurs milliards d’exportations ?

 

Le Covid-19 a mis un gros coup de frein à l’industrie du luxe. Et pour cause, il semble que le secteur ait fait évoluer son modèle vers une course à la rentabilité. « C'est comme si le luxe, pour animer le retail, s’était senti obligé de fabriquer de l'obsolescence programmée, alors que le luxe, au départ, c'est tout le contraire ! », explique Brune Buonomano. En effet, l’industrie depuis la précédente crise s’était lancée sur un modèle de fabrication intense, allant à l’encontre totale de son modèle original qui est à l’origine, un vrai modèle de développement durable : « produire moins, mais mieux, privilégier l’héritage et la créativité, le travail des artisans, l’unique, le durable ». C’est ce que fait Gucci, une Maison qui a décidé de réduire ses collections à deux par an pour réduire son impact carbone. La Maison de luxe italienne Gucci a signé sa première collection entièrement éco-responsable, réalisée à partir de matières recyclées et portée par Jane Fonda, icône militante pour l’environnement.

La marque Sonia Rykiel, elle,  s’inscrit dans une démarche éco-responsable en créant une collection composée de pièces vintage récupérées au sein même des stocks. Après tout, le luxe à l’ère du «slow luxury”»est un éternel recommencement. C’est ce que tentera de mettre en lumière l’exposition «About Time: Fashion and Duration» qui se tiendra au MET à l’automne 2020 pour retracer des décennies de mode et interroger les notions de cycle et de temps dans l’univers de la mode.

 C’est pourquoi, le marché du luxe de seconde main est aussi un phénomène découlant de la durabilité à 360° en plein essor. Selon l’étude publiée par le Boston Consulting Group, 25% des consommateurs interrogés ont acheté un article de luxe d'occasion et 33% ont vendu un article de luxe d'occasion au cours de l’année écoulée. Il existe de nombreuses plateformes présentes sur ce secteur telles que : Vinted (Lituanie), Vestiaire Collective (France). Le développement certain de la seconde main, ou de l’« upcycling » représente une réelle opportunité permettant la création de nouvelles sources de revenus pour les marques, mais aussi l'élargissement de la clientèle due à l'exploitation de l'économie circulaire, en favorisant les pratiques durables pour les Maisons de luxe songeant à intégrer directement la revente de seconde main à leur activité. Selon l’étude du Boston Consulting Group, 70% des consommateurs du luxe d'occasion souhaiteraient acheter des produits d'occasion directement via les marques.

Extrait d'un Webinar tenu par l'IFOP quand à l'importance du seconde main dans le secteur du luxe

Afin reconquérir le consommateur, il est donc nécessaire, si ce n’est capital, que le secteur revienne à ses fondamentaux. Et pour un retour à l’essentiel, il faut mesurer l’importance de la quête de sens chez le consommateur, qui privilégiera les masques fait-main réutilisables et fabriqués en France aux masques jetables importés de Chine. Le luxe n’est pas essentiel et c’est « justement ça qui le rend essentiel » au sens de Nicolas Chemla, professeur de marketing et consultant en stratégie de marque. La définition même du luxe consiste à dire que le luxe est tout ce qui est au-delàs du nécessaire. Le luxe n’est jamais un besoin mais il répond à des envies, il crée du désir. C’est donc en ça que le luxe est essentiel, pour retrouver un semblant de rêve au travers de cette crise. La quête de sens permettrait alors de justifier l’achat d’un produit de luxe non essentiel, par le simple besoin de retrouver l’espoir dans une période d’incertitudes et de chaos.

©2020 par Luxe et Covid 19. Créé avec Wix.com

bottom of page